Le Zéphyr

Souvenez-vous… Fermez les yeux, rentrez mentalement en vous-mêmes et souvenez-vous… Souvenez-vous d’une personne qui a été importante dans votre vie parce qu’elle vous a amené à donner le meilleur de vous-même. Un professeur, un manager, un entraîneur. Quelqu’un avec qui travailler, agir, parler, était motivant. Souvenez-vous de la manière dont cette personne interagissait avec vous. De sa manière d’être, de communiquer. Et de comment vous vous sentiez avec elle.

Quand on pose cette question-là, en général, on entend des réponses comme :

« Elle me faisait confiance », « Elle me donnait des responsabilités », « Elle donnait du sens à mon travail », « Elle me poussait à oser », « Elle était positive » … Souvent, la personne décrite était techniquement compétente, voire experte, dans son domaine. Mais c’est avant tout son attitude, son savoir-être, qui faisait la différence.

Nous savons tous, intuitivement, ce qu’est un bon leader. Dans la multitude de professeurs, d’aînés, de collègues que nous avons eus, certains, dans nos souvenirs, se détachent nettement du lot. Et s’ils ont gardé une place particulière dans notre mémoire, au regard de leur importance positive dans notre trajectoire, c’est en général moins par l’étendue de leur savoir que par la qualité de leur savoir-être. Par la relation que nous avons eue avec eux.

Au pays de Descartes plus encore qu’ailleurs, nous évaluons trop souvent les personnes à l’aune de leur intelligence cognitive (ou intelligence logico-mathématique), celle que mesure le fameux Quotient Intellectuel. Or, nous connaissons tous des personnes, des amis, des chefs, qui ont une intelligence logique très développée, mais dont on sait qu’ils font ou feraient de bien piètres leaders.

Deux autres types d’intelligence sont fondamentaux pour faire un bon, voire un grand, leader.

D’abord l’intelligence émotionnelle (ou intelligence intrapersonnelle). C’est la capacité à être conscient et maître de ses propres émotions, de ses besoins, de ses désirs. Fondée sur une
connaissance approfondie de soi-même, elle permet de se comprendre, d’anticiper ses propres comportements, de connaître ses limites.

La seconde est l’intelligence relationnelle (ou intelligence interpersonnelle), la capacité à bien comprendre les autres et à communiquer avec eux de manière appropriée. Il ne s’agit pas d’utiliser cette intelligence pour manipuler ou dominer l’autre. Nous savons tous que les gens qui nous ont amenés de manière durable à nous dépasser, l’ont fait dans une posture sincère, en alignant leurs discours, leurs comportements et leurs valeurs.

C’est ce que nous voulons développer chez les enfants qui nous sont confiés à l’école. Nous ne cherchons pas à faire d’eux des futurs leaders, mais  à travailler , par l’exemple de notre attitude, à encourager la mise en oeuvre de leurs intelligences intra- et inter- personnelles. C’est ici que le leadership intervient : leur donner confiance en eux pour développer leur capacités d’adaptation et de résilience.

Donner du sens et inscrire dans le collectif

D’autres types d’intelligences (linguistique, spatiale, corporelle, etc.) peuvent être utiles au leadership, mais celles vraiment fondamentales sont ces intelligences émotionnelle et relationnelle. Ce sont ces ressources qui vont principalement permettre au grand leader d’influer positivement sur son environnement, et ce de plusieurs manières.

D’abord en donnant du sens, en aidant les gens à comprendre dans quel contexte s’inscrivent leurs actions. En montrant dans quelle mesure leurs actes contribuent à quelque chose de plus grand qu’eux, qui les dépasse, le grand leader inspire espoir et confiance en l’avenir. Une idée, une sensation, qui portera à donner le meilleur de soi-même.

Ensuite, le grand leader fait percevoir aux gens leur importance pour les autres, et leur inscription dans un groupe. D’abord par l’exemple : en mettant une forte valeur à la relation personnelle qu’il va développer avec chacun, fondée sur l’attention réelle qu’il lui porte, fut-ce pendant un bref instant, la confiance, la bienveillance et l’empathie. « Quand on sent qu’on est important pour les autres, on se soucie d’eux aussi et on ne veut pas les décevoir » rappelle Richard Boyatzis (théoricien américain de l’organisation et professeur émérite de comportement organisationnel, de psychologie et de sciences cognitives à la Case Western Reserve University.)

Il nous semble évident que notre société a besoin de futur citoyens du monde qui se positionneront comme tel. Nous sommes donc encouragés à faire découvrir aux enfants le plus tôt possible leur capacités de leadership pour que les graines semés dans leur enfance portent du fruit dans le cadre de leur futures missions de vie individuelles.

Un réapprentissage est toujours possible

Intelligences émotionnelle et relationnelle sont innées mais notre éducation et nos modes de vie nous les font souvent désapprendre.

En famille, à l’école, au travail, la répression des émotions voire leur reniement sont en général mieux valorisés que l’apprentissage de leur conscience et de leur expression : « Même pas mal ! ». Nous arrivons ainsi à l’âge adulte en véritable handicapés des intelligences émotionnelle et relationnelle.

Le stress est un autre ennemi récurrent. Le stress profond, celui qui peut nous assaillir face à une difficulté importante. Et le stress chronique, celui qui naît du sentiment d’urgence permanente et de l’accumulation d’une multitude de petites frustrations quotidiennes : un embouteillage, un ordinateur qui ne fonctionne pas correctement, un rendez-vous manqué, une coupure de réseaux…

Notre pratique quotidienne à tous nous montre aujourd’hui à quel point ce déficit émotionnel et relationnel nuit dans le monde du travail, aux organisations et aux dirigeants eux-mêmes, à leur performance et leur bien-être. Et ce d’autant plus que le mode de management directif, devient de plus en plus inefficace et contre-productif, avec de nouvelles générations en attente avant tout de respect, de reconnaissance, d’épanouissement et de convivialité.

Heureusement, ce qui a été perdu peut se retrouver.

L’intelligence émotionnelle, l’intelligence relationnelle, se travaillent, se développent, se perfectionnent. Cet apprentissage se fait avant tout par l’expérience et l’expérimentation. On ne développe pas une capacité émotionnelle en lisant, en mobilisant ses seules intelligences logiques et linguistiques. Il faut vivre l’émotion et la relation, pour l’intérioriser et en apprendre maniement et maîtrise.

Les cinq grandes composantes de l’intelligence émotionnelle

Intelligence émotionnelle: ce qu’elle est

Selon Estelle Morin, professeure titulaire aux HÉC, l’intelligence émotionnelle représente « un ensemble d’habiletés verbales ou non verbales permettant à un individu de générer, reconnaître, exprimer, comprendre et évaluer ses propres émotions et celles des autres de manière à orienter les pensées et les actions permettant d’affronter efficacement les exigences et les pressions de l’environnement. »

Les compétences associées à l’intelligence émotionnelle contribuent non seulement à la qualité de l’expérience au travail mais au développement du sentiment de réussite. Ainsi, pour devenir plus émotionnellement intelligent au travail, nous devrons développer et intégrer les compétences associés.

Ses composantes

La conscience de soi

C’est la capacité de prendre conscience de nos états intérieurs, préférences, ressources et intuitions. En fait, celui qui est sourd à ce qu’il ressent est à la merci de ses sentiments. En reconnaissant nos ressentis et leurs effets, on apprend à reconnaître nos forces et limites, ce qui nourrit la confiance en soi.

La maîtrise de soi

C’est la capacité de gouverner nos émotions et pulsions et de les adapter aux différentes situations; ce qui inclut parfois la capacité de retarder la satisfaction d’une pulsion afin de miser sur un accomplissement beaucoup plus grand. C’est aussi la capacité de se montrer fiable et honnête, s’acquitter de son travail de façon responsable, faire preuve de souplesse devant les changements et être à l’aise avec les approches, les idées et les informations nouvelles ou différentes.

La motivation

Regroupe les compétences émotionnelles permettant d’atteindre nos buts, notamment l’effort, l’engagement face à soi-même, face à son travail, face aux objectifs d’un groupe. C’est aussi la capacité à faire preuve d’initiative, c’est-à-dire être prêt à saisir les opportunités, ou encore l’aptitude à l’optimisme, comme le fait de poursuivre ses objectifs avec ténacité, malgré les obstacles et les revers.

L’empathie

Il s’agit des compétences en lien avec la compréhension d’autrui, c’est-à-dire la capacité de capter les sentiments et les points de vue des autres et éprouver un intérêt réel pour leurs préoccupations. La passion du service, c’est-à-dire, anticiper, reconnaître et satisfaire les besoins des autres. La relation d’aide, c’est-à-dire, identifier les besoins et les limites d’autrui et stimuler leurs capacités. Le sens politique, c’est-à-dire la capacité à déchiffrer les enjeux des groupes et ses relations de pouvoir. Les personnes empathiques sont plus réceptives aux signaux subtils liés aux besoins et désirs d’autrui.

La maîtrise des relations humaines

Réunit les compétences visant à persuader, envoyer des messages clairs et convaincants, inspirer et guider des groupes, des personnes, initier ou gérer des changements, négocier et résoudre des conflits, cultiver des relations, travailler avec les autres à des objectifs communs et mobiliser une équipe. Les personnes qui savent se rendre populaires aiment diriger efficacement leurs relations. Elles réussissent dans toute relation fondée sur des rapports constructifs.

L’intelligence émotionnelle est un art d’être. Comme tous les arts, celui-là est très précieux, non seulement pour la qualité de la vie, mais aussi pour le développement d’une société responsable et fondamentalement plus humaine. Pour ces raisons il nous semble essentiel de la travailler avec les enfants au sein même de l’école. Elle y a toute sa place pour la construction de demain.

 

 

Sources: www.coachetdirigeants.fr, oserchanger.com: article de Marie-Sylvie Dionne, coach professionnel, membre de l’Ordre des conseillers et conseillères d’orientation du Québec et Vice-Présidente de Parachute Carrière. Elle accompagne une variété de clients en gestion du changement et prise de décisions. Elle est également blogueuse au Huffington Post. 

Sources images: Chloé Sargis – Développer votre intelligence émotionnelle; En haut de l’affiche – Les 7 intelligences du leader; Supinfo – L’intelligence émotionnelle; Créer de la valeur sur You Tube